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ANJOU

Puissent ressusciter notre antique vigueur,
Réveiller ces esprits qui se meuvent à peine.
Faire d’un sang plus pur bouillonner chaque veine,
Et, de la vie en nous ranimant les ressorts,
Rendre à l’esprit sa flamme et ses forces au corps ?

Essayez d’exiler du sol qui les vit naître
Ou cette tendre fleur, ou ce jeune arbrisseau ;
Ils languissent soudain et vont mourir, peut-être,
Si vous ne les rendez au lieu de leur berceau.
Ce soleil inconnu, cette nouvelle terre,
Hélas ! daigneront-ils à la tige étrangère
Accorder leur tendresse, accommoder leurs soins ?
Connaissent-ils ses goûts, ses mœurs et ses besoins ;
La chaleur qu’il lui faut, les sucs qu’elle préfère ?
Ce ruisseau coule-t-il à sa soif mesuré ?
Cet air fut-il exprès pour elle tempéré ?
Ces champs sont-ils les champs où la douce nature
A d’un soin maternel placé sa nourriture ?
Non, pour elle en ces lieux rien ne fut préparé.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Vous donc, vous, insensés, qui, trompant sa prudence,

De climats en climats portez vos pas errants,
A l’amour du pays mortels indifferents,
De la nature, enfin, redoutez la vengeance.
Un jour peut-être, un jour, sans secours, sans pitié,
Sur un lit douloureux et chèrement payé.
Expirant à prix d’or chez un hôte insensible.
Vous mourrez délaissés. Le lieu simple et paisible
Où l’amour maternel sourit à vos berceaux
Ne verra point vos fils pleurer sur vos tombeax,
Et vos os, inhumés aux terres étrangères.
Dormiront inconnus loin des os de vos pères.
Dieu, sur des bords lointains ne placez point ma mort !
Et vous, ô de mes jours puissance tutélaire,
Si de mon lieu natal la mémoire m’est chère ;
Si je ne l’ai jamais, exilé par le sort,
Ni quitté sans douleur, ni revu sans transport,
Lorsque les fiers destins auront marqué mon heure
(Et peut-être avant peu je dois sentir leurs coups).
Je ne vous prierai point de fléchir leur courroux ;