Page:Vandervelde - La Belgique et le Congo, le passé, le présent, l’avenir.djvu/168

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

valeur. Il n’y a pas d’école où l’enseignement se donne en français, pas d’enseignement professionnel ; et alors que le paiement de nos taxes devrait servir, par exemple, à l’entretien des routes, lorsque celles-ci sont envahies par la brousse, on nous fait donner encore un cochon en sus de l’impôt. Or, nous demandons que, si nous payons nos taxes, nous ne soyons pas encore obligés de payer des rations pour l’entretien de nos routes.

Sans doute, il a été tenu compte dans une certaine mesure de cette réclamation et, désormais, les indigènes de la région des Cataractes paieront au maximum 12 francs par adulte mâle, plus l’impôt supplémentaire qui grève les ménages polygames, tandis qu’en 1909, l’impôt était de 12 francs pour les hommes et de 6 francs pour les femmes sans exception.

Mais il reste que, dans la plupart des cas, les indigènes auront peine à se procurer des espèces pour payer l’impôt ; que, sans doute, on continuera, comme par le passé, à consacrer la plus grande partie des recettes de l’État à des dépenses qui ne les intéressent que très indirectement, et que, si l’on ne procède pas avec une extrême prudence, la taxe menace de provoquer les mêmes mécontentements et les mêmes résistances que l’impôt en travail.

Nous voulons espérer, toutefois, que le gouvernement colonial belge ne se laissera pas détourner de ce devoir d’extrême prudence par des considérations trop exclusivement budgétaires, et qu’il s’inspirera des sages conseils que M. Merlin, Gouverneur général du Congo français, adressait en 1909 à ses subordonnés :

Notre but est de civiliser ce pays et nous ne pouvons y parvenir qu’avec le concours des habitants. On n’impose pas le progrès, on le fait comprendre et désirer ; il est donc essentiel que les populations aient confiance en nous. Il importe qu’elles aient conscience, au moins confusément, du but que nous poursuivons et de la sincérité de nos intentions. Si nous voulons les contraindre par la violence à nous fournir leur contribution, nous ne parviendrons qu’à augmenter leur méfiance et renforcer leur hostilité. Elles seront convaincues que le produit de l’impôt servira, non à l’intérêt général, mais a nos intérêts particuliers ; elles continueront à l’appeler « amende » et ce sera leurs yeux une manière