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tous les pays neufs, le problème de la main-d’œuvre difficile, c’est l’existence de terres libres, qui donnent aux habitants le moyen de subsister sans devoir nécessairement se mettre au service de l’État ou de capitalistes.

Prenons, par exemple, un ouvrier du chemin de fer de Matadi au Stanley Pool.

La Compagnie ne dispose d’aucun moyen de contrainte au travail. Chacun est libre de s’enrôler ou de ne pas s’enrôler à son service. Si le travailleur n’est pas satisfait de sa ration ou de son salaire, il a toujours la ressource — que n’a pas l’ouvrier d’Europe — de rentrer dans son village, où le travail de ses femmes et les habitudes communistes de ses « frères » lui procurent toujours de quoi manger. Aussi, dans ces conditions, le seul moyen de conserver un personnel suffisamment stable est de lui accorder une situation bien meilleure, relativement, que celle des prolétaires de nos contrées, qui n’ont d’autres moyens d’existence que la vente de leur force de travail.

Mais, même lorsqu’on agit ainsi, même lorsqu’on offre aux indigènes des rations et des salaires qui leur permettent de bien se remplir le ventre et d’acheter beaucoup d’étoffes, ou dans les régions où l’eau-de-vie pénètre, beaucoup d’eau-de-vie, l’existence de terres libres — qui supprime l’aiguillon de la faim, rend le recrutement difficile et, la faible densité de la population aidant, les employeurs en général ne parviennent à se procurer qu’une main-d’œuvre irrégulière, médiocre et onéreuse.

M. Deherme cite, à cet égard des faits intéressants dans son livre sur l’Afrique occidentale française[1].

En ce qui concerne, d’abord, l’irrégularité, le noir, d’ordinaire, ne loue ses bras que pour obtenir un superflu. L’indispensable lui est fourni par ses lougans (champs de cultures vivrières). La famille produit tout ce dont elle a besoin, et il ne cesse point d’en faire partie. Serait-il, à l’aventure,

  1. Pages 270 et suiv. Paris, 1908.