Page:Vandervelde - La Belgique et le Congo, le passé, le présent, l’avenir.djvu/254

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cite ce passage caractéristique d’un rapport d’inspection du service d’agriculture de la colonie :

Lorsqu’on parle aux Sousous de toutes les bonnes terres qu’ils pourraient cultiver sans peine, lorsqu’on leur fait entrevoir le plus grand bien-être dont ils pourraient s’entourer avec peu de travail, ils nous répondent qu’ils vont chercher du caoutchouc dans le haut de la Guinée pour le revendre à Conakry ; qu’ils n’ont plus le temps de s’occuper de culture ; ils ont ainsi, disent-ils, un rapport immédiat qui se traduit par de l’argent comptant, ce qui leur permet de faire des achats plus ou moins nécessaires dans les comptoirs[1].

Et ce n’est pas un fait isolé.

Partout où il y a du caoutchouc, les lougans (cultures vivrières) sont délaissés, la population ne s’accroît pas, la main-d’œuvre se refuse et la disette est fréquente. Au contraire, là où il n’y a pas de lianes, ou peu, comme en Mellacorée, le pays est bien cultivé et prospère. Un autre rapport du service de l’agriculture le constate : « La production du riz augmente dans la Basse Guinée, principalement en Mellacorée. Le caoutchouc n’y fut jamais bien abondant et l’indigène est resté cultivateur. »

On peut donc prévoir qu’au Congo, comme en Guinée, cet exode rural des indigènes vers la forêt continuera, aussi longtemps qu’ils y trouveront en abondance du copal ou du caoutchouc.

Mais la forêt n’est pas inépuisable ; dès à présent, dans beaucoup de régions du Congo, où le système de la rafle a été énergiquement pratiqué, il n’y a plus grand’chose à glaner, et, dans ces conditions, le gouvernement, sous peine de compromettre l’avenir, devait se préoccuper de suppléer par des plantations à la diminution inévitable des produits de la cueillette.

C’est alors que s’est posée nettement la question de savoir si ces plantations doivent être faites par des salariés, travaillant pour le compte de l’État et de Compagnies capita-

  1. Deherne. L’Afrique occidentale française, p. 166. Paris. 1908.