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Certes, les mobiles auxquels ils obéissent en allant à l’école, ou en envoyant leurs enfants à l’école, ne sont pas toujours d’une nature très élevée.

Lorsque des missionnaires anglais ouvrirent une école à San Salvador, il y a quelque trente ans, les enfants s’y présentèrent en foule, mais les maîtres ne tardèrent pas à s’apercevoir que ce grand désir de savoir lire et écrire était purement inspiré par l’intérêt : les indigènes, quand ils portaient leurs produits à la factorerie, les déposaient au magasin, et là, après avoir pesé et mesuré, l’agent inscrivait sur un morceau de papier quelques signes au crayon, au moyen desquels ils pouvaient recevoir leur paiement d’un autre employé. Ils en avaient conclu que, le jour où ils sauraient écrire, ils pourraient aller directement au second employé, et qu’en faisant à l’avance quelques signes sur un morceau de papier, ils pourraient se procurer ce qu’ils voudraient, pour rien[1].

Aujourd’hui encore, si les noirs sont désireux d’apprendre, mais en cela ils ne diffèrent pas de la plupart des blancs, c’est, presque toujours, avec l’idée de devenir plus aisément caporaux et sergents de la Force publique, ou employés subalternes dans l’administration.

Mais, quels que soient les motifs, il n’en reste pas moins que l’école exerce sur eux une action bienfaisante et qu’à défaut d’écoles publiques, les écoles des missions rendent des services que nul ne songe à nier.

Ce n’est pas un motif, toutefois, pour fermer les yeux sur les défauts que présente cet enseignement confessionnel.

Si, dans les missions protestantes, l’école est généralement faite par des hommes, ou des dames, dont c’est l’occupation et la préoccupation principale, dans les missions catholiques, au contraire, les religieux, qui n’appartiennent généralement pas à des ordres enseignants, ne voient dans l’enseignement qu’un accessoire de leurs œuvres religieuses et économiques. D’autre part, les missionnaires, à quelque confession qu’ils

  1. Rambaud. Au Congo pour Christ, p. 36.