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appartiennent, ne peuvent pas ne pas obéir, avant tout, à des préoccupations d’ordre religieux, qui tendent à faire de l’instruction un moyen de substituer aux idées indigènes, dont il faudrait seulement faciliter l’évolution, des idées toutes faites, plus élevées, sans doute, mais qui ne leur sont que bien malaisément assimilables, parce qu’elles sont le produit d’une évolution sociale très différente.

Parfois même, emportés par leur zèle, par leur désir d’arracher les noirs à ce qu’ils considèrent comme des erreurs funestes, les religieux se servent de l’école pour inspirer aux enfants qu’ils élèvent l’horreur des blancs qui appartiennent à d’autres confessions.

Il y a de longues années déjà, le P. Carrié, supérieur de la mission catholique à Landana et à Boma, parlait aux indigènes, pour combattre les missionnaires baptistes, d’Henri VIII, de Luther, qui avait falsifié la Bible, de Calvin qui était un porc et un âne[1].

Cet état d’esprit, dans une partie du Congo du moins, est resté le même depuis lors.

J’ai pu m’en convaincre, notamment, en parcourant les manuels scolaires dont se servent, aujourd’hui encore, les Jésuites de Kisantu.

Lors de ma visite à cette mission, le supérieur, P. Banckaert, me remit son Manuel à l’usage des Bacongos pour apprendre le français. Je l’ai examiné à loisir. Il est extrêmement bien fait et, en général, ne parle aux noirs que de choses qu’ils sont à même de comprendre.

Pourquoi faut-il, qu’après des exercices où il est question du chemin de fer, des villages, de la classe, des maladies, de la cuisine et d’autres choses qui peuvent réellement intéresser les enfants, on y trouve cette étrange diatribe contre les missionnaires d’à côté :

« — Qu’enseignent les protestants ?

« — La doctrine de Jésus-Christ falsifiée.

  1. Rambaud, loc. cit., p. 38.