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Il ne tarda pas à être suivi de deux circulaires destinées à le mettre à exécution : 1° celle du commissaire de district de l’Ubangi-Uele, qui défendait aux indigènes de chasser l’éléphant, à moins qu’ils n’apportassent à l’État l’ivoire récolté : 2° celle du commandant de l’expédition die Haut Ubangi, qui interdisait aux indigènes de « distraire à leur profit et de vendre quelque partie que ce soit de l’ivoire ou du caoutchouc, fruits du Domaine de l’État » ; la circulaire ajoutait que les commerçants qui achèteraient aux indigènes ces produits, dont l’État n’autorise la récolte qu’à la condition qu’on lui apporte les fruits, se rendraient coupables de recel et seraient dénoncés aux autorités judiciaires (Yokoma, 15 février 1892)[1].

En somme, l’État transformait la domanialité théorique de 1885 en domanialité effective. Il se déclarait propriétaire de tout le territoire du Congo, à l’exception des terres appartenant à des particuliers, ou bien occupées par des villages ou des cultures indigènes, et, tirant de cette déclaration de propriété la seule conséquence pratique importante qu’elle put avoir alors, il proclamait son droit exclusif sur l’ivoire, le caoutchouc et autres fruits de ses terres domaniales.

La mise en vigueur du décret de 1891 ne se fit point sans protestations énergiques de la part du commerce libre et des partisans de la liberté commerciale.

Dès la fin de 1891 et, surtout, en 1892, des lettres d’agents commerciaux — dont plusieurs ont été publiées par Ed. Morel[2] annoncèrent aux dirigeants des sociétés commerciales de Bruxelles et de Rotterdam que le commerce privé du caout-

  1. Wauters (L’État Indépendant, p. 403) parle également d’une circulaire analogue, qui aurait été publiée par M. Charles Lemaire, alors commissaire du district de l’Équateur. Mais la circulaire à laquelle il fait allusion n’avait pas été prise en exécution du décret de 1891. Elle obligeait les chefs qui avaient commis quelques fautes à payer des amendes en caoutchouc, au lieu de s’acquitter, comme c’était l’habitude, en remettant à l’État des esclaves, que l’on enrôlait ensuite, comme « libérés », parmi les travailleurs ou les soldats de la force publique. C’est un peu plus tard seulement, que l’ « exploitation en régie » du caoutchouc commença dans l’Équateur.
  2. Morel, King Leopold's Rule in Africa, pp. 38 et suiv.