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On voit que, finalement, les récoltes étaient tombées à presque rien. Aussi les chefs indigènes, dont les hommes commençaient à respirer, ne dissimulaient point leur satisfaction :

« Du temps de la Compagnie — disait l’un d’eux à notre interprète — on nous maltraitait, on nous emprisonnait, ou nous tuait. Depuis que Bula Matadi commande lui-même, ou nous laisse plus tranquilles. Nous sommes contents, surtout, parce que nous ne devons plus faire autant de caoutchouc. »

Mais un autre, intervenant :

« Même comme cela, c’est encore trop, car il n’y a presque plus de caoutchouc dans la forêt. Nous devons encore être absents de nos villages pendant vingt jours tous les deux mois. Nous acceptons de donner à Bula Maladi n’importe quoi : des vivres, des lances, des porteurs, mais plus de caoutchouc. Il faut que le caoutchouc finisse : c’est notre vœu à tous[1]. »

Ce vœu ne tarda point, d’ailleurs, à être exaucé car, quelques mois après notre retour, des instructions ministérielles ordonnèrent la suspension de la récolte dans les territoires de l’Abir et de l’Anversoise.

En somme, pendant la période qui suit la publication du rapport de la Commission d’enquête, jusqu’à l’annexion du Congo par la Belgique, le régime du travail forcé reste en vigueur, mais la contrainte se relâche. Les rapports des consuls anglais, et spécialement le mémorandum Thesiger, constatent « une cessation des terribles atrocités qui étaient si fréquentes avant la visite de la Commission d’enquête ». Les indigènes, n’étant plus terrorisés, se moquent, dans beaucoup de districts, des billets d’avertissement que leur envoient les agents du fisc, et comme, d’autre part, les forêts, dans les régions occupées depuis longtemps, tendent à s’épuiser, la production de caoutchouc diminue dans des proportions telles que l’abolition du système devait nécessairement être mise en question

  1. É. Vandervelde. Les derniers de l’État du Congo, p. 134.