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pendant, par le remarquable roman de M. Robert Halt, que les hommes, quand ils s’y mettent, font la part assez belle à leurs rivales, pour les désintéresser de la lutte.

M. Robert Halt, ou, pour lever ce masque pseudo-germanique, M. Vieux avait trop bien réussi par son début dans le roman philosophique pour n’y pas revenir. Sa première thèse de libre penseur, Une Cure du docteur Pontalais[1], lui avait fait, d’un seul coup, une réputation littéraire qu’une seconde thèse de même ordre est venue confirmer cette année. Madame Frainex[2]n’a peut-être pas eu tout le succès de lecture du livre du débutant, mais il s’est fait plus de bruit autour de sa naissance, et elle a eu les honneurs d’un peu de persécutions. L’estampille du colportage lui a été refusée avec un certain éclat, et à cette occasion la Chambre des députés a été saisie de la question des faits et gestes de dame Censure. L’interdiction portée contre Madame Frainex a été aussi la cause de débats orageux dans la Societé des gens de lettres et a failli en faire expulser violemment ceux des confrères de l’auteur qui participent, au ministère de l’intérieur, aux fonctions de notre commission laïque de l’index.

L’auteur d’Une Cure du docteur Pontalais nous avait montré le prêtre s’affranchissant du dogme catholique ; dans Madame Frainex, il nous fait voir la femme s’affranchissant d’une des conséquences de ce dogme, la soumission passive et absolue de l’épouse au mari. Suivant l’Église, Dieu a dit à la femme, en chassant le premier couple de l’Éden : « Tu seras sous la puissance de ton époux, et il te dominera. » Les Pères sont unanimes pour attribuer aux maris une autorité de maître, une autorité qui vient de Dieu, et pour appliquer aux femmes les paroles des apôtres aux esclaves. « Esclaves, dit saint Paul, obéissez à vos maîtres selon la chair, avec crainte et tremblement… comme à Jésus-Christ lui-même. » — « Esclaves, dit saint Pierre, soyez soumis à vos maîtres avec toute sorte de respect et de crainte, et non-seulement à ceux qui sont doux et bons, mais à ceux qui sont violents et durs. » La sainteté, dans les beaux jours de ferveur, a consisté à mettre en pratique ces maximes. Saint Augustin raconte que sa mère obéis-

  1. Voy.t. VIII de l’Année litt., p. 64-08.
  2. Libr. internat., in-18, 300 p.