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Méthode ſure pour faire du Pain

Ce dernier moyen mérite (d’autant plus de conſidération, qu’on ſçait par une expérience ſuivie, que le Pain où il entre des Pommes de terre, est très-bon, très-ſain & très-agréable au goût.

Il faut bien des années, je l’avoue, avant qu’une Nation parvienne à ſecouer entierement ſes anciens préjugés, & ſur-tout à réformer en totalité ſes uſages dans l’économie rurale : pendant ce temps, ſes véritables beſoins deviennent quelquefois urgents ; & le défaut du néceſſaire, ainsi que le prix exhorbitant des denrées, peuvent lui cauſer les plus grands maux. Où en ſerions nous, ſi la récolte des Grains n’avoit pas été paſſablement bonne l’année derniere ? Celle des Pommes de terre ne manquant presque jamais, nous devons en profiter, & nous hâter d’en admettre l’emploi, pour ménager nos Bleds, puiſqu’elles peuvent y ſuppléer en grande partie, & dans toute ſaiſon.

Quantité de Particuliers, des Villages entiers, certifieront que l’uſage ſuivi de cette ſorte de Pain, leur a été également ſain & avantageux ; & les gens de la Ville & de la Campagne, qui juſqu’ici ſe ſont contentés d’en goûter, l’ont trouvé d’un goût excellent.

Quant à moi, Auteur du préſent Traité, je parlerai d’après ma propre expérience & celle de ma famille  : j’oſe aſſurer que nous avons mangé pendant neuf mois conſécutifs, du Pain où il entroit au moins un tiers de Pommes de terre, & que je m’en trouve ſi bien, que je ne me départirai jamais de cet uſage, quand bien même le Bled deviendrait à très-bas prix.

J’invite donc tous mes Compatriotes à imiter mon exemple ; c’eſt le moyen de rendre un ſervice eſſentiel à notre Pays, en même-temps qu’ils ſe le rendront à eux-mêmes.

Qu’ils en faſſent l’eſſai ! qu’ils le répétent plus d’une fois avant de prononcer ſur mon avis ; & que ceux qui auront réuſſi, aient la charité d’inſtruire les autres, & de leur prêter la main ! De