Page:Variétés Tome I.djvu/310

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

presentant ceste coupe funeste qu’il faut que j’avalle quand le malheur me range à ses loix. J’ai jetté incontinent les yeux sur ce que le presage de ma fortune me presentoit tout au long ; mais ma fragilité, qui ne faisoit en sorte de penetrer si avant, m’a toujours empêché de voir la fin ; je me suis trouvé sur le dernier saut de ma defaicte, où il faut que la peine que l’on prepare à mon corps satisface pour les forfaicts que j’ai commis. » Il faict une petite pose, puis, tirant un grand soupir, il dit encore :

« Je vous puis bien asseurer que la mort qu’il me faut endurer tout maintenant ne me fasche point, puisqu’il nous faut tous passer ce passage ; mais il n’y a que le chemin par où il faut que je le franchisse qui me soit fascheux, avec le blasme qui en doit courir sur mes parens, et les presages qui menacent encore mes frères de frapper au mesme caillou. Je prie Dieu qu’il leur ouvre les yeux pour les appeller à penitence et leur faire changer le train de leur vie, afin que, se retirant, ils puissent atteindre à une fin heureuse. Et vous autres, Messieurs, consolez mes parens, leur remonstrant que, si à ce aujourd’huy la fortune fait courir ce nauffrage sur leur memoire, ils en doivent combattre la douleur par la souvenance des vertus signalez de nos ayeux, et que, quand la memoire de nos desbauches leur travaillera l’esprit, ils nous restranchent du nombre de leur famille et imaginent comme si nous n’avions point esté.

» Cest oubly essuyra la playe de leur douleur, et ne laisseront pas de suivre le chemin que nos ayeux leur ont tracé. Et vous autres, Messieurs, je vous