Page:Variétés Tome I.djvu/67

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le visage et le dehors, mais un escadron de singes.

Les singes se remarquent à leur poil et à leur exterieure façon ; à cela recognoistrez-vous les femmes ; les singes ont une face que, si elle etoit masquée, ce seroit une vraye femme, et quand on me monstre une femme masquée, je m’imagine de voir un singe, tant le rapport a de proximité et de concurrence. Le singe cache mille ravauderies dans les concavitez de ses joües ; la femme, sous un visage trompeur, cache tout ce qui se peut imaginer au monde de perfide et de meschant. Souvent vous croirez qu’elle vous caresse, mais, pire qu’une serène, elle taschera de vous engluer en ses rets et se mocquera de vous. Il n’y a rien de plus inconstant que la face : c’est une lune qui a ses croissans, ses cartiers et son plain ; tantost elle paroistra plaine, à l’autre elle semblera carne2 ; et comme jadis la teste de Meduse convertissoit toutes choses en pierre, ainsi l’homme à l’aspect de la face de sa femme deviendra cornu. La femme est un vray Prothée, il n’y a rien qui change plus tost.

Fiet enim subito sus horridus atraque tigris
Squammosusque draco et fulva cervice leona.

Le singe a les mains, ou, pour mieux dire, les pattes, semblables aux mains des femmes, sinon que celles des singes sont velues par dehors, en quoy vous remarquez la mesme difference que celle qui est entre le né et le cul : le cul est velu par dehors et le né dedans. Reste à parler de la queüe, qui est


2. Au 17e siècle, comme aujourd’hui encore à Orléans, le peuple disoit carne pour corne. (V. Molière, le Malade imaginaire (acte I, sc. 2).)