Page:Variétés Tome II.djvu/113

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Après que son poil fut couppé, il donna de l’argent au barbier et le pria de luy acheter et apporter demie once d’antimoine30 preparé, des fueilles de roses, des raisins de Corinthe et du sucre, dont il disoit, avec des blancs d’œufs, vouloir faire un onguent pour une inflammation qu’il avoit ès yeux. Le barbier achepta ces drogues ; mais, d’autant que l’antimoine est poison, il en advertit le geolier, en la presence duquel il les bailla à Fava, auquel à l’instant elles furent saisies et ostées. Interrogé sur ce, il recognut qu’il avoit donné charge et argent au barbier pour achetter ces drogues comme medicinales à sa douleur, et que, bien que l’antimoine fust poison, toutefois, temperé et meslé avec sucre, raisins de Corinthe, fueilles de roses et blancs d’œufs, il estoit fort salutaire au mal des yeux, et que tant s’en faut qu’il eust eu volonté de se mefaire depuis qu’il avoit attenté à sa vie en s’ouvrant les veines, qu’au contraire, ayant esté malade et presque tousjours indisposé, il avoit usé de remèdes et de regimes, et apporté toute la peine et le soin qu’il avoit peu pour la conservation de sa santé, et de ce appelloit en tesmoignage tous les prisonniers de sa chambre.

Quelque temps après, Fava fut encore malade, et se mit au lict, où tousjours depuis il a demeuré, et en ses maladies avoit ordinairement de grandes convulsions et des vomissemens, ce qui fait presumer (et par la suitte mesme de ceste histoire) qu’il avoit


30. Au sujet des tentatives de Fava pour s’empoisonner, il n’est parlé que d’arsenic, et non d’antimoine, dans le Supplément au Journal de l’Estoille.