pour faire mourir un homme ; et d’ailleurs il savoit bien qu’il ne vuideroit pas ce poison comme les precedens, l’ayant exprès enfermé en une paste, afin que la paste s’attachast à son estomach et y demeurast pour faire son effet. Sa femme arrive ; il se plainct à elle de l’exceds de son mal, dit qu’il va mourir, sans declarer qu’il fust empoisonné, luy dit adieu, donne par diverses fois la benediction à son fils, les renvoye tous deux au logis. Aussitost il demanda un prestre. Un qui estoit prisonnier se presenta, mais il le refusa et en voulut un autre. Pendant que l’on en cherchoit, le poison, qui estoit violent, commence son operation, presse Fava et le travaille extremement. Alors il se fit oster du lict où il estoit couché et mettre sur une paillasse, où il dit qu’il vouloit mourir, et y mourut miserablement peu de temps après, sans que le geolier ny les prisonniers sceussent la cause de sa mort, et eussent le temps et le moyen d’y remedier.
Le lundy matin, vingt-quatriesme mars, les juges, qui estoient assemblez pour le jugement du procez, sont advertis par monsieur le grand prevost de la connestablie de la mort inesperée de Fava. Le corps est ouvert, le poison trouvé dans l’estomach, curateur creé au cadaver, information de la mort, la
voient la défense rigoureusement, et même au péril de leur vie : « Un Simon, dit-il, soldat de la citadelle d’Amiens, fut pendu il y a douze ou quinze jours, à Amiens même, pour avoir donné trois coups de poignard à un apothicaire qui lui avoit refusé de l’arsenic. Il fit ce coup-là de la peur qu’il ne le découvrît. »