Page:Variétés Tome II.djvu/147

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moy qui ay tant presté que je suis pauvre maintenant ! Vous sçavez que chacun m’a abuzé ; il n’y a provoyeur ny cuisinier qui ne m’ait trompé : les uns m’ont emporté cent francs, les autres deux cens, et les autres cent escus. J’ay encore un cheval d’argent chez nous, comme vous sçavez, lequel est pour gage… Il me faut mourir de faim auprès, car de le vendre ou de l’engager je n’ozerois, veu que celuy auquel il appartient a trop de credit et de puissance : il me ruineroit. Il n’y a rien qui me puisse consoler, sinon que l’on me doit encore un peu d’argent chez monsieur le chancelier ; mais ce vieux radoteur-là est si chiche, qu’il est impossible de tirer de l’argent de luy. Ses officiers sont aucunefois au desespoir… Quand on luy parle d’aller fouiller dans ses coffres, il a la goutte ; mais quand on luy parle d’aller recevoir de l’argent, il va gaillardement ; vous diriez, à le voir, qu’il n’a jamais eu les gouttes. Regardez comment il suit le roi ! Il a envie d’emplir ses seaux, pour le certain. Je n’ay pas tant de peine d’estre payée de monsieur de Beaumarché : c’est un honneste homme27 ; tous ses serviteurs se louent bien de luy. C’est dommage que cet homme-là n’a de l’esprit ; mais j’ay entendu que


27. Beaumarchais n’avoit en aucune façon la réputation d’honnêteté qu’on lui donne ici. Lors de la recherche des financiers, c’est contre lui et contre son gendre, La Vieuville, qu’on sévit le plus rigoureusement. On les accusoit d’avoir volé en quelques mois plus de 600,000 francs. (La Voix publique au Roy, Recueil A-Z, E, 237–241.)