Page:Variétés Tome II.djvu/286

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les espaules, comme à Aix, en Provence, on porte le duc d’Urbin12. Il est vray que vous autres Gascons ne prenez pas beaucoup de plaisir à cette feste, non plus que d’ouyr renouveller vos douleurs pendant le fort d’Aix13, où plusieurs des vostres, pour n’avoir sceu dire Cabre, ains Crabe, furent mal menez, et fit-on déloger les autres sans trompette et plus viste que le pas. Vous avez beau dire : Va, Provençal, pis je ne te puis dire : car, outre que la Provence a des pertinens objects et reproches contre l’autheur et inventeur de ce blason, on dit qu’il est permis sur la chaude, à un qui pert sa cause, d’injurier la justice et ceux qui l’administrent. Ainsi cestuy-cy se trouvant depossedé de son tiltre, tout luy estoit loisible, comme à nous de faire des chansons


12. Notre auteur se trompe : les images grotesques du duc et de la duchesse d’Urbin n’étoient pas portées sur les épaules, mais placées sur des ânes, pour être promenées à la procession de la Fête-Dieu d’Aix, à la suite de la statue du roi René. C’étoit en souvenir de la victoire que ce prince avoit remportée en 1460 sur le duc d’Urbin.

13. Il s’agit sans doute ici de quelque événement du siége d’Aix, durant la Ligue, par M. d’Épernon et ses troupes gasconnes. V. Bouche, Hist. de Provence, t. 1, p. 775–783. Le fait, du reste, sauf le mot à prononcer, est renouvelé d’un épisode bien connu des guerres des Israélites. Dans les Histoires byzantines on l’avoit déjà repris au sujet de je ne sais plus quel mot grec qu’il falloit bien prononcer, sous peine de passer pour ennemi et d’être immédiatement massacré. On raconte une anecdote semblable au sujet des deux mots polonois Orzeł Biały, que les Allemands ne pouvoient prononcer.