Page:Variétés Tome II.djvu/313

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qu’on lui eut lu son arrêt, elle dit qu’elle mouroit innocente, ce que disent ordinairement les gens que l’on a condamnés.

Dès qu’on lui eut exécuté la tête, mon ami, qui avoit des gens tout prêts, la fit envelopper dans un drap de lit et porter incontinent dans un carrosse de deuil. Il jeta deux pistoles à l’exécuteur et quelques écus à ses valets pour avoir la liberté de la faire emporter chez lui sans qu’on la dépouillât.

Elle étoit fille d’un secrétaire du roi et nièce de M. de Sanra, conseiller au Parlement. Le lendemain de cette exécution, le roi envoya faire compliment à madame de Guémené, qui fut reçu avec effusion de larmes et beaucoup de respect. J’ai parlé au gentilhomme qui en avoit été chargé. M. Colbert, par ordre du roi, en fit un pareil à madame de Chevreuse et à madame de Soubise. Lorsqu’on fit le récit au roi de la mort du chevalier de Rohan, il dit que, quand il auroit attenté à sa propre personne, il lui auroit volontiers pardonné, mais qu’il n’avoit pu lui faire grâce à cause de ce qu’il devoit à ses peuples.

Voilà l’histoire de cette malheureuse affaire. Chacun la conte à sa mode, mais je puis vous protester que cette relation que je vous en ai faite est très sincère et très véritable. Toute la France a su comme quoi la Trueaumont s’étoit fait blesser à mort lorsque M. de Brissac fut à Rouen pour l’arrêter11, et comme Van den Ende avoit été pris au Bourget en


11. Grièvement blessé, il déchira sa plaie avec ses dents, et en mourut le même jour.