Page:Variétés Tome II.djvu/329

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des charlatans qui font mille tours de passe-passe et de souplesse, des fins couppeurs de bourses et d’autres gens qui se disposent à danser sur la corde ; et tout auprès de ces tableaux vos yeux y en envisagent d’autres, presque de la mesme grandeur, qui portent la figure de personnes assez mal habillées, qui, avec un visage triste et morne, mettent le doigt dessus leur bouche, pour dire qu’elles n’oseroient se plaindre de ceux qui les joüent ou qui les volent, et qu’il faut celer un mal qui n’a point de remède, aussi bien qu’un tort que l’on ne peut vanger. Ne jugeriez-vous pas que cet homme, qui se plaignoit à moi de ce qu’il n’avoit point veu de caresme-prenant cette année, depuis le commencement de la guerre, estoit peu intelligent dans les affaires, ou pour le moins n’estoit pas grand politique du temps, puisque nous ne sçaurions mieux representer les choses comme elles se passent à present que sous la figure d’un jour de mardy-gras, où les uns font bonne chère cependant que les autres meurent de faim, où plusieurs s’engraissent aux despens d’autruy, où l’on voit plusieurs cuisines qui estoient auparavant mal eschauffées, et qui maintenant se bruslent en consommant les autres ? N’est-ce pas estre à caresme-prenant, puisque chacun jouë son compagnon, et tasche de le piper au jeu ? Mais ce qui est de plus deplorable, c’est que ceux qui joüent, après avoir bien battu et manié les cartes par une dexterité merveilleuse, ne laissent pas de les brouiller, et, par consequent, tousjours gaignent. D’ailleurs, ne sommes-nous pas veritablement à caresme-prenant, puisque nous ne voyons