Page:Variétés Tome III.djvu/280

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

petit sachet dans lequel estoient bien vingt escus. Mon compagnon, estant venu, jette sur la table quinze pistoles pour sa part, et moy je dis que je n’avois que vingt escus. Le Polonnois, après avoir fait quelque difficulté de jouer si peu, consentit qu’on ne joüeroit que quarante escus de part et d’autre. Il conte donc ses quarante escus et les met dans un mouchoir, et nous fait mettre nostre argent dans un autre. C’estoit afin de l’emporter plus aisement. Cela fait, mon compagnon me dit : Or sus, prenez les cartes, vous jouerez aussi bien que moy : car nous sommes asseurez de gaigner. Moy, qui pensois ne pouvoir perdre, pris le jeu, et, l’ayant divisé en trois et veu la première carte, je regarday la seconde, qui estoit l’orloge, c’est-à-dire que lorsqu’elle viendroit elle me signifieroit que la première ensuiviroit ; et, afin de ne l’oublier pas, je la regarday plus de trois fois. Mon compagnon me dit : Monstrez-moy l’orloge, que je le recognoisse, afin que quand il viendra je vous en advertisse. En disant cela il prit les cartes, et, feignant de regarder l’orloge, en mit une subtilement entre les deux, c’est à sçavoir entre l’orloge et la première, puis me rendit les cartes. Moy qui ne soupçonnois rien moins que cela, ne regarday pas après luy, et, ayant pris la troisiesme carte, je la mis bien au dessous de l’orloge, de peur qu’elle ne se trouvast entre les deux. Alors je commençay à tourner attentivement les cartes les unes après les autres, et frappois deux petits coups sur chacune, comme il falloit faire, en disant : Ce n’est pas celle-là, ce n’est pas celle-là, jusqu’à ce qu’ayant trouvé l’orloge, et mon compa-