Page:Variétés Tome III.djvu/38

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ry, un demy-cint23 d’argent, trente-deux clés pendantes et une bource où dedans il y avoit toujours du pain benit24 de la messe de minuict, trois tournois fricassés25, une eguille avec son fil, deux dents qu’elle ou ses ayeuls s’estoient fait arracher, la moitié d’une muscade, un clou de girofle et un billet de charlatan pour pendre au col pour guarir la fièvre.

Si c’estoit un financier, il portoit une calotte à deux oreilles26, un bonnet de manton, des chausses à prestres, un manteau à manches, les bras passés, la clé de son coffre à la cinture et un trebuchet27 en sa pochette, et si la monnoie du temps estoit des douzains et pièces de six blancs.

Sa femme coiffée sans cheveux, son chaperon de


23. V. sur ce demi-ceint d’argent, qui resta l’une des parures les plus enviées des chambrières, une note de notre tome 1er, p. 317.

24. Le pain bénit étoit un merveilleux talisman, surtout pour empêcher les chiens de devenir enragés. (Les Évangiles des Quenouilles, édit. Jannet, p. 75.) Celui de la messe de minuit avoit encore d’autres vertus. Dans quelques provinces, il est encore d’usage de garder dans un tiroir les morceaux de pain bénit donnés à la messe le dimanche.

25. C’est-à-dire ébréchés et polis par le frottement, fricassé, dans ce sens, venant du latin frixus.

26. C’est-à-dire avec deux bandes pendantes sur le côté, comme les portoit Henry Estienne, dont il est dit dans le Scaligerana : « erat vestitus à la parisienne avec des bandes de velours pendantes. »

27. « C’étoit une petite balance fort juste et fort délicate, que le moindre poids faisoit trébucher. » De là l’expression de pistoles bien trébuchantes employée par Molière.