Page:Variétés Tome VI.djvu/53

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diray le mesme aujourd’huy : à mesure que la Fortune a joué de mes restes, elle m’a desantravé de tous les empeschemens qui m’ostoient le loisir de me venir arraisonner avec Vostre Majesté. Lors que par faute de prise elle a cessé de me meffaire, elle a commancé de me permettre de me plaindre, et certes je ne pouvois plus à propos vous mettre en veue mes disgraces que lors qu’elles sont arrivées à leur feste. Je voy Vostre Majesté froncer le sourcil et dire à part soy : N’entendray-je jamais autre chose que doleances ? D’où nous vient ce transi avec sa maigre mine ? De quoy a-il à se plaindre ? Qui est-il ? qui me l’a emmené icy ? Helas ! Sire, donnez-moy un quart d’heure d’audiance, et vous sçaurez le tout. Je suis Turlupin, fils de Jacques Bonhomme3, non de celui qui crioit antan4 comme les anguilles de Melun5 et se plaignoit à tort. Le vray


3. C’étoit toujours le nom du peuple, consacré même par les ordonnances royales. Il en est une de François Ier du 23 septembre 1523, publiée dans le Bulletin des sciences historiques du baron de Férussac d’après l’original conservé aux Archives (t. 16, p. 354–360), par laquelle expresse défense est faite aux « avanturiers, vagabonds, oiseux, etc., de baptre, mutiler, chasser et mettre le Bonhomme hors de sa maison » ; car l’on étoit alors au temps où, comme dit Des Periers (69e Nouv.), les soudards vivoient sur le bonhomme.

4. L’année dernière, ante annum. On se rappelle le vers de Villon :

Mais où sont les roses d’antan.

5. L’origine du dicton : Il crie comme l’anguille de Melun, avant qu’on ne l’écorche, n’est pas bien certaine ; seulement,