Page:Variétés Tome VII.djvu/29

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point visiter leur proye, ce qui commença de faire entrer en quelque doute mes dames les bourgeoises ; et, d’un autre costé, estoient grandement importunées de leur hostesse de bailler argent ou gages, à quoy elles reculoient le plus qui leur estoit possible, esperant d’heure à autre revoir leurs favoris qui les viendroient desgager de ce lieu (de quoy elles furent bien frustrées de leurs esperances). Ce que voyant, et ne pouvant aussi plus endurer le tintamare que leur faisoit ceste seconde Megère, furent contrainctes (pour obvier à plus grand scandale) de luy donner chacune quelque asseurance. La première luy donna un diamant de la valeur de cent livres et plus, la seconde un bracelet de perles de la valeur de cinquante escus, et la dernière luy donna la chaisne d’or de son manchon11, de la valeur de trente escus, à la charge toutefois qu’elle promettoit leur remettre entre les mains lorsqu’elle seroit satisfaite de ce qu’il luy convenoit payer raisonnablement, soit par messieurs les evadez ou par elles, ce qui leur fut accordé.

Madame la matrone, se voyant les mains garnies comme elle desiroit, commença de monstrer à mesdames les bourgeoises meilleur visage qu’auparavant, les invitant de faire grande chère et beau feu, et qu’elles n’avoient qu’à tinter et qu’incontinent elles seroient obeyes, et qu’il ne leur falloit point engendrer de melancolie pour l’absence de leurs



11. Jusqu’au dernier siècle le manchon se portoit attaché au corps avec une ceinture serrée par une boucle, ou bien, comme ici, avec une chaîne d’or ou d’argent.