Page:Variétés Tome VII.djvu/30

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nouveaux serviteurs, et que pour un perdu l’on en recouvroit deux. Elles, qui n’avoient d’autre pensée qu’à leur retour, ayant demeuré toutes trois sur leur appetit du fruict de nature, dissimuloient leurs tristesses le plus qu’elles pouvoient.

Nous lairrons pour un peu de temps mesdames les bourgeoises en leurs frivolles esperances, pour revenir à leurs maris.

Messieurs les bourgeois, qui sont assez bons compagnons, voyans que les feries de la nopce estoient plus longs qu’à l’ordinaire, et que leurs femmes ne venoient point, commencèrent de leur ennuyer. L’un d’iceux disoit : « Il m’a esté impossible de pouvoir reposer depuis l’absence de ma femme. » L’autre disoit : « La première nuit, je la passay de ceste sorte ; mais depuis j’ay esté contraint, pour me reschauffer, de faire coucher ma servante avec moy, avec laquelle je me suis assez bien delecté, veu aussi l’aage de dix-huit ans tout au plus. » Le dernier, qui n’avoit encore rien dit, commença à dire : « Jusques à present, j’ay passé le temps sans avoir contrevenu en aucune façon à la promesse que j’ay fait à ma femme ; mais il m’est impossible de pouvoir plus dominer aux tentations de la chair (car je suis homme) ; c’est pourquoy, dès à present, je suis deliberé d’aller chercher quelque bonne aventure, et, si vous avez du courage, suyvez-moy ; toutesfois, vous sçavez qu’il ne faut point aller aux mûres sans crochet ny aux lieux d’amour sans argent. Les deux autres bourgeois eurent les oreilles fortement ententives à la remonstrance de leur compagnon, si bien qu’après leur estre garny de nombre de pis-