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Page:Variétés Tome X.djvu/14

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qui ne rende compte qu’au seigneur de la maison de qui il a reçeu l’ordre de commander : prenant soin qu’il ne s’y passe point d’amourettes qu’elles ne soient cogneuës pour bonne du seigneur et de la dame, pour autant que sous telles amitiez, il se fait ordinairement d’estranges drôleries, qui bien souvent passent pour scandaleuses et de nul effet ; aussi est-ce le point principal, à quoy le maistre d’hostel doit prendre garde, car il y va de l’interest et de l’honneur pour son seigneur, et le maistre d’hostel doit tous les soirs prendre advis avec les officiers de cuisine, et de faire rendre compte de la despence du jour, pour puis après en rendre compte à son seigneur devant ses domestiques, et sans passion12.

Il me souvient en passant d’une maison ou j’estois autrefois, laquelle estoit toute remplie d’amourettes, que le plus petit jusques au plus grand estoit entaché de cette furieuse maladie ; et pour vous dire la verité, je n’ay jamais vu gens si prompts et charitables à se secourir les uns les autres en ce sujet, que je puis dire qu’il n’y a point de religion ou l’on pratique plus cette saincte œuvre, tant recommandée en un meilleur sujet qu’en cette folie ; car tel aymoit telle, qui croyoit que ce fust par le moyen de telle ou tel qu’il falloit l’avoir en amitié, et pour ainsi ils n’osoient ou ne pouvoient s’accuser les uns les autres. Ainsi bien souvent le maistre d’hostel excusoit le cuisinier et le sommelier, car lorsque


12. C’est ce que dit le sieur Audiger dans le passage de sa Maison réglée que reproduit notre note, p. 2.