Page:Variétés Tome X.djvu/157

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soit qu’en cette nourriture du collége il avoit eu deux regards : l’un à la conservation de la jeunesse gaie et innocente ; l’autre à la scholastique, pour nous faire oublier les mignardises de la maison, et comme pour dégorger en eau courante. Je trouve que ces dix-huit mois au collége me firent assez bien. J’appris à répéter, disputer et haranguer en public, pris connoissance d’honnêtes enfans dont aucuns vivent aujourd’hui ; appris la vie frugale de la scholarité, et à régler mes heures ; tellement que, sortant de là, je récitai en public plusieurs vers latins et deux mille vers grecs faits selon l’âge, récitai Homère par cœur d’un bout à l’autre. Qui fut cause après cela que j’étois bien vû par les premiers hommes du temps, et mon précepteur me menoit quelquefois chez Lazarus Baïfus5, Tusanus6, Strazel-


5. Lazare de Baïf, père du poëte, qui avoit été ambassadeur de France à Venise et en Allemagne, sous François Ier, et à qui l’on doit de curieux traités latins : De re vestiaria, De re navali, etc. On se réunissoit, en cercle de savants, chez Lazare de Baïf, comme on se rassembla plus tard en une sorte d’académie chez son fils Antoine (v. t. VIII, p. 31–33, note). Ronsard étoit des assidus chez Lazare de Baïf. Quoiqu’il logeât bien loin, aux Tournelles, comme gentilhomme des Écuries du roi, il s’en venoit à la nuit avec son ami le baron Carnavalet, jusque dans le quartier de l’Université, où demeuroit Baïf. Il y trouvoit toujours nombre de savants, et notamment Jean Daurat, « honneur du pays Limosin », qui habitoit la même maison, comme professeur de grec du fils de Baïf. Cl. Binet, Vie de Ronsard, loc. cit.

6. C’est le célèbre helléniste Jacques Toussaint, qui se faisoit appeler en latin Tussanus. Il mourut en 1547.