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furent assis, il surgit au milieu d’eux un arbre dont chaque branche soutenait un plat. Les mets enlevés, l’arbre disparaissait au bruissement harmonieux d’une musique cachée, et remontait bientôt chargé d’un nouveau service, tandis que des valets versaient des vins précieux.

À ce banquet, Rustici offrit un pâté en forme de chaudron, plein d’une sauce exquise dans laquelle Ulysse plongeait son père pour le rajeunir. Sous les doigts de notre artiste, deux chapons avaient usurpé les traits du mari de Pénélope et de l’aïeul du vertueux Télémaque.

Andrea del Sarto présenta un temple à huit faces pareil à celui de San-Giovanni, mais élevé sur des colonnes. Le pavé était un immense plat de gelée, orné de compartiments en mosaïque de couleurs variées. De gros et grands saucissons représentaient, à s’y méprendre, des colonnes de porphyre. Les bases elles chapiteaux étaient en fromage de Parme, les corniches en sucre, et la tribune en tranches de frangipane. Un lutrin, sculpté dans un morceau de foie, et surmonté d’un livre en lazagnes, où le plainchant était écrit et noté avec des grains de poivre, occupait le centre du chœur. Des grives rôties, ouvrant un large bec, droites sur pattes, et couvertes de légers surplis taillés dans le lard, chantaient au lutrin. Deux pigeons remplissaient l’office de contrabbasso, et six ortolans celui de soprano.

Le peintre Spillo avait déguisé une oie colossale en serrurier, et l’avait munie de tous les outils nécessaires pour raccommoder le chaudron au besoin.