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PRELIMINAIRES.

Volonté commune n’eſt que le réſultat des volontés réunies des Citoïens, demeure ſoumiſe aux Loix de la Nature, obligée à les reſpecter dans toutes ſes démarches. Et puisque le Droit naît de l’Obligation, comme nous venons de l’obſerver (§. 5.) la Nation a auſſi les mêmes Droits que la Nature donne aux hommes, pour s’acquitter de leurs devoirs.

§. 6. En quoi conſiſte originairement le Droit des Gens.

Il faut donc appliquer aux Nations les régles du Droit Naturel, pour découvrir quelles ſont leurs obligations & quels ſont leurs Droits ; par conſéquent le Droit des Gens n’eſt originairement autre choſe, que le Droit de la Nature appliqué aux Nations. Mais comme l’application d’une régle ne peut être juſte & raiſonnable ſi elle ne ſe fait d’une manière convenable au ſujet ; il ne faut pas croire que le Droit des Gens ſoit préciſément & par tout le même que le Droit Naturel, aux ſujets près, enſorte que l’on n’ait qu’à ſubſtituer les Nations aux particuliers. Une Société Civile, un État, eſt un ſujet bien différent d’un individu humain : D’où réſultent, en vertu des Loix Naturelles mêmes, des Obligations & des Droits bien différens, en beaucoup de cas ; la même rêgle générale, appliquée à deux ſujets, ne pouvant opérer des déciſions ſemblabies, quand les ſujets différent ; ou une règle particulière, très-juſte pour un ſujet, n’étant point applicable à un ſecond ſujet de toute autre nature. Il eſt donc bien des cas, dans lesquels la Loi Naturelle ne décide point d’État à État, comme elle décideroit de particulier à particulier. Il faut ſçavoiren faire une application accommodée aux ſujets : Et c’eſt l’art de l’appliquer ainſi, avec une
juſteſſe