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PRELIMINAIRES.

Il eſt des choſes juſtes & permiſes par le Droit des Gens néceſſaire, dont les Nations peuvent convenir entr’elles, ou qu’elles peuvent conſacrer & fortifier par les mœurs & la Coutume. Il en eſt d’indifférentes, ſur leſquelles les Peuples peuvent s’arranger comme il leur plaît par des Traités, ou introduire telle Coutume, tel uſage qu’ils trouvent à propos. Mais tous les Traités, toutes les Coutumes qui vont contre ce que le Droit des Gens néceſſaire preſcrit, ou défend, ſont illégitimes. Nous verrons toutefois qu’ils ne ſont toûjours tels que ſuivant le Droit interne, ou de Conſcience ; & que par des raiſons qui ſeront déduites en leur lieu, ces Conventions, ces Traités ne laiſſent pas que d’être ſouvent valides parle Droit externe. Les Nations étant libres & indépendantes ; quoique les adions de l’une ſoïent illégitimes & condamnables ſuivant les Loix de la Conſcience, les autres ſont obligées de les ſouffrir, ouand ces actions ne bleſſent pas leurs droits parfaits. La Liberté de cette Nation ne demeureroit pas entiére, ſi les autres s’arrogeoient une inſpection & des droits ſur ſa conduite : Ce qui ſeroit contre la Loi Naturelle, qui déclare toute Nation libre & indépendante des autres.

L’homme eſt tel de ſa nature, qu’il ne peut ſe ſuffire à ſoi-même, & qu’il a néceſſairement beſoin du ſecours & du commerce de ſes ſemblables, ſoit pour ſe conſerver, ſoit pour ſe perfectioner & pour vivre comme il convient à un Animal raiſonnable. C’eſt ce que l’expérience prouve ſuffiſamment. On a des exemples d’hommes nourris parmi les Ours, lesquels n’avoient ni langage,