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vii


II

ŒUVRE.


Ainsi déterminé dans son aimable nature, Vattel n’est pas de ceux dont la forte personnalité construit, de toute pièce, avec plus de vigueur que d’élégance, un système puissamment agencé sur une robuste charpente. Mais il est de ceux dont l’intelligence, pénétrante et claire, après s’être assimilé les conceptions les plus abstraites, parfois même les plus obscures, les divulgue avec l’agrément d’une forme d’autant plus achevée que le travail de l’auteur s’exerce à peine sur le fond.

Peut-être n’eût-il jamais écrit sur le droit des gens si Christian Frédéric de Wolff (1679-1754) ne l’eût précédé.

Disciple original de Leibnitz, esprit vigoureux, travailleur infatigable, C. F. de Wolff avait fait, dans son Jus naturœ methodo scientifica pertractatum, un usage génial, mais excessif, de la démonstration mathématique. Son œuvre, toute pénétrée de l’optimisme leibnitzien, montre que l’homme doit joindre ses forces à celle des autres hommes pour contribuer au perfectionnement de tous, puis que les nations doivent, comme les individus, s’unir et coopérer en vue d’atteindre les fins que la loi naturelle leur propose. Les nations ont des devoirs envers elles-mêmes : se conserver et se développer ; mais elles se doivent en même temps les unes aux autres les mêmes prestations, les mêmes services, que chacune se doit à elle-même, à condition qu’elles puissent accomplir ces prestations ou rendre ces services sans nuire aux devoirs dont chacune est d’abord tenue envers elle-même. Toute nation n’a qu’un droit imparfait à l’assistance des autres — celui de la demander — mais peut acquérir droit parfait à cette assistance au moyen d’un traité.

Sur cette base originale, Wolff avait, dans l’ensemble de son Jus naturœ methodo scientifica pertractatum (Francfort, 1740-48, 8 vol. in-4o), présenté une théorie générale du droit des gens d’un caractère large et puissant. Il devait, d’ailleurs, les donner séparément, en 1749, sous ce titre : Jus gentium methodo scientifica pertractatum. Mais l’ouvrage, écrit en latin, ne pouvait dépasser le cercle des érudits.

Le jeune écrivain, qui venait, en 1741, de publier la Défense du système leibnitzien, et depuis attendait, en lisant Cicéron, d’entrer dans la diplomatie, se plut tant à l’ouvrage de Wolff, qu’il conçut l’idée d’en traduire, et, bientôt, d’en adapter la partie relative aux rapports des nations : idée qui, peut-être, ne lui serait pas venue si Christian Frédéric de Wolff était resté dans la disgrâce politique, où, vingt ans plus tôt, il était tombé. Mal instruit de ses