Page:Vattel - Le Droit des gens, ou principes de la loi naturelle, 1758, tome 1.djvu/31

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
xv

supportables… imposées par le Maître du pays » (II, § 125). Enfin, bien que le neutre puisse interdire aux armées ennemies le droit de passage sur son territoire, il en est autrement « lorsqu’une armée est exposée à périr, ou ne peut retourner dans son pays » (III, § 122).

La communion primitive. — Si, d’autre part, la satisfaction du devoir d’assistance ne cause ni dommage, ni incommodité, par exemple en cas d’obligation purement passive, comme de laisser emprunter la mer côtière, les fleuves ou les routes de terre pour le commerce, on ne peut raisonnablement en imposer le sacrifice à l’ombrageuse ou capricieuse exigence d’une souveraineté intransigeante sur le chapitre de ses libertés. En effet, la terre fut, à l’origine, commune à tous les hommes. « Destinée par le Créateur à leur habitation commune et leur mère-nourrice, tous tiennent de la Nature le droit d’y habiter » (§ 203). La nécessité de cultiver la terre, pour en obtenir les fruits, en fixant les peuples, d’abord nomades, au sol, a donné lieu aux droits de propriété (dominium) et de domaine (imperium). Mais, formant exception à la règle primitive, ces droits, créés par la nécessité, n’ont d’autre mesure que cette nécessité : « La propriété n’a pu ôter aux Nations le droit général de parcourir la terre, pour communiquer ensemble, pour commercer entr’elles et pour d’autres justes raisons. Le Maître d’un pays peut seulement refuser le passage dans les occasions particulières, où il se trouve préjudiciable ou dangereux… Si le passage menace de quelque danger, l’État est en droit d’exiger des sûretés ; celui qui veut passer ne peut les refuser… On doit de même accorder le passage pour les marchandises… Si ce passage cause quelque incommodité, quelques frais pour l’entretien des canaux et des grands chemins, on s’en dédommage par les droits de péage » (II, §§ 132, 133 134, 135). Cf. I, § 103.

De même, pour le passage, non plus des marchandises, mais des personnes, et leur séjour dans le pays. Dans tous ces cas d’utilité innocente, le maître du pays ne peut se soustraire à son devoir qu’en invoquant des motifs légitimes : d’où la nécessité, pour l’État, de donner ses raisons, avant de refuser le droit prétendu. Mais, comme on ne saurait objecter les dangers du passage quand on offre des sûretés, ni les charges qui en résultent, quand on se soumet aux péages, le droit à l’utilité innocente, théoriquement inférieur au droit de nécessité, lui devient, pratiquement, égal. Une nation n’a pas le droit d’en contraindre une autre à faire le commerce avec elle (II, § 25), mais elle a celui d’emprunter le territoire de cette nation pour faire le commerce avec une autre (II, § 132).

Enfin, « lorsque, par les loix ou la coutume d’un État, certains actes sont généralement permis aux étrangers, comme par exemple de voyager librement et sans permission expresse dans le pays, de s’y marier, d’y acheter