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partient ni à l’un ou à l’autre des intéressés, ni aux autres Nations de juger la question. Celle qui a tort pèche contre sa Conscience ; mais comme il se pourrait faire qu’elle eût droit, on ne peut l’accuser de violer les loix de la Société » (Préliminaires, § 21). L’arbitrage peut être un devoir moral, une obligation interne ; ce n’est pas un devoir externe, même imparfait. « S’agit-il d’un droit clair, certain, incontestable ? Un souverain peut hautement le poursuivre et le défendre, s’il a les forces nécessaires, sans le mettre en compromis » (II, § 331). Et, quand « il n’est pas permis de se montrer si roide, » « dans les questions incertaines et susceptibles de doutes, » c’est à chacun de voir ce que son état comporte. « Ne perdons jamais de vue ce qu’une Nation doit à sa propre sûreté… Il n’est pas toujours nécessaire, pour l’autoriser à courir aux armes, que tous moyens de conciliation aient été rejetés expressément » (II, § 334). « Et comme, en vertu de la liberté naturelle des Nations, chacune doit juger en sa conscience de ce qu’elle a à faire,… c’est à chacune de juger si elle est dans le cas de tenter les voies pacifiques avant que d’en venir aux armes » (II, § 335).


3. La Guerre.

« La Guerre est cet état, dans lequel on poursuit son droit par la force » (Livre III, § 1). Quand un droit est parfait, soit de nature, soit par transformation d’imparfait en parfait, en vertu de la coutume ou d’un traité, violer ce droit, c’est faire à la Nation, qui le possède, une injure, qu’elle a le droit — parfait — de repousser, ou même de prévenir. « Et pour savoir ce que l’on doit regarder comme une injure, il faut connaître les droits proprement dits, les droits parfaits d’une Nation… Tout ce qui donne atteinte à ces droits est une injure, et une juste Cause de la Guerre » (Livre III, § 26).

Si les hommes étaient toujours raisonnables, la justice et l’équité seraient leur règle ou leur juge. Les voies de la force sont une triste et malheureuse ressource contre ceux qui méprisent la justice et qui refusent d’écouter la raison (§ 25). « L’humanité se révolte contre un Souverain, qui prodigue le sang de ses plus fidèles sujets, sans nécessité, ou sans raisons pressantes, qui expose son peuple aux calamités de la Guerre, lorsqu’il pourrait le faire jouir d’une paix glorieuse et salutaire. Que si à l’imprudence, au manque d’amour pour son peuple, il joint l’injustice envers ceux qu’il attaque ; de quel crime, ou plutôt, de quelle effroyable suite de crimes ne se rend-il point coupable ? Chargé de tous les maux qu’il attire à ses sujets, il est coupable encore de tous ceux qu’il porte chez un peuple innocent : le sang versé, les Villes saccagées, les Provinces ruinées ; voilà ses forfaits. On ne tue pas un homme, on ne brûle pas une chaumière, dont il ne soit responsable devant Dieu et comptable à l’humanité » (Livre III, § 24). La guerre n’est donc tolérable qu’à la con-