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Les ennemis, et les choses qui leur appartiennent demeurent tels en quelque lieu qu’ils se trouvent. Les femmes et les enfants doivent être comptés au nombre des ennemis (§ 72) ; mais ce sont des ennemis qui n’opposent aucune résistance, et par conséquent on n’a aucun droit de les maltraiter en leur personne, d’user contre eux de violence, encore moins de leur ôter la vie (§ 140, 145). Si quelquefois le soldat furieux se porte à tuer les femmes, à massacrer les enfants et les vieillards, les officiers gémissent de ces excès. Bien mieux, la guerre se faisant par troupes réglées, le peuple, les paysans, les bourgeois n’ont rien à craindre. Rien n’autorise à tuer les prisonniers, même si l’on ne peut les garder ou nourrir, à moins qu’ils n’appartiennent à une nation féroce, perfide et formidable, ou lorsqu’ils se sont rendus personnellement coupables de quelque attentat (§§151-152). Il interdit de se servir d’armes empoisonnées : « Il faut bien que vous frappiez votre ennemi, pour surmonter ses efforts ; mais s’il est une fois mis hors de combat, est-il besoin qu’il meure inévitablement de ses blessures ? » (§ 156). « N’oublions jamais que nos ennemis sont hommes. Réduits à la fâcheuse nécessité de poursuivre notre droit par la force des armes, ne dépouillons point la Charité, qui nous lie à tout le Genre-humain. De cette manière, nous défendrons courageusement les droits de la Patrie, sans blesser ceux de l’humanité » (§158).

Bien que Vattel admette le pillage, tout au moins lorsque l’ennemi a commis quelque attentat contre le droit des gens, il n’en déclare pas moins que, « pour quelque sujet que l’on ravage un pays, on doit épargner les édifices qui font honneur à l’humanité, et qui ne contribuent point à rendre l’Ennemi plus puissant, les Temples, les Tombeaux, les Bâtiments publics, tous les Ouvrages respectables par leur beauté. Que gagne-t-on à les détruire ? C’est se déclarer l’ennemi du Genre-humain, que de le priver de gaieté de Cœur, de ces Monuments des Arts, de ces Modèles du Goût » (§ 168). Tout en reconnaissant qu’il est difficile, quand on bombarde une ville, d’épargner les plus beaux édifices, il conseille de se borner à foudroyer les remparts et défend de détruire une ville par des bombes, à moins qu’on n’ait pas d’autre moyen de réduire une place importante ou de forcer un ennemi à faire la guerre avec humanité (§ 169). Et il conclut ainsi : « Ôtez le cas où il s’agit de punir un Ennemi, tout revient à cette règle générale : Tout le mal qu’on fait à l’Ennemi sans nécessité, toute hostilité qui ne tend point à amener la Victoire et la fin de la guerre, est une licence, que la Loi Naturelle condamne » (§ 172). Encore lorsqu’il s’agit de punir l’ennemi, entend-il qu’il s’agisse toujours d’attentats énormes contre le droit des gens (§ 173).

Après avoir déclaré légale en droit positif toute guerre engagée suivant les formes et conduite suivant les règles, Vattel revient, en droit naturel, à cette