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UNE ANNÉE DE PROFESSORAT

siologiste, mais, au moins dans une large mesure, littérateur, philosophe et théologien ? Isoler chaque branche de la science des autres branches et du tronc qui les porte, n’est-ce pas les priver de la sève ? n’est-ce pas les appauvrir, les dessécher, sinon les tuer ? Cette parole de Leibniz est fameuse : « Il y a de l’harmonie, de la métaphysique, de la géométrie, de la morale partout. » Rien n’est plus vrai. Or, le frère Verjus, abandonné à lui-même, sans le secours d’aucun maître, l’a compris : « Je sens, dit-il, la nécessité de cultiver mon esprit dans tous les sens… Le petit livre du P. Gratry, un passage de Mgr Dupanloup et un de Daguesseau m’ont ranimé pour les hautes, belles et sérieuses études. Les sciences pratiques sont bien attachantes quand elles sont étudiées en vue d’être utile à mes chers sauvages. Mais la Philosophie, mais la Théologie, mais l’Histoire, l’Écriture sainte, le Beau, la Littérature ! O mon Dieu, élargissez mon cœur et mon esprit et purifiez-les de tout ce qui n’est pas vous !... Mon Jésus, aidez-moi, éclairez-moi, soyez mon docteur en tout[1]. »

Il a l’instinct qu’en matière intellectuelle et scientifique, le clergé doit être non pas à la suite mais à la tête de son pays. Là est notre devoir primordial, à nous prêtres, de défendre la vérité et d’étendre son règne. Depuis trop longtemps, on nous accuse — et non pas toujours sans raison — de nous tenir en dehors du mouvement contemporain, et cette accusation grave est une entrave à l’efficacité de notre ministère. Au reste, le plus souvent, toute faiblesse intellectuelle, tout déclin dans la lumière est un déclin dans la vertu. Labia sacerdotis custodient scientiam[2]. Il faut que cette parole des Saintes Lettres devienne pour le frère Verjus une réalité éclatante. Plus que jamais il a faim et soif d’apprendre. Il appelle Dieu à son secours, il le presse, il le conjure, il le supplie de lui ouvrir l’intelligence.

« Quel abîme que la science ! Je me prends quelque-

  1. 21 et 27 juillet
  2. Malach., II. — Les lèvres du prêtre garderont la science.