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Page:Vaudon - Monseigneur Henry Verjus, 1899.djvu/130

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noircit. Ne le croyons pas trop vite, ni surtout trop absolument. Voici comment il médite, un lendemain de séance, où, comme toujours, il s’était dépensé : « La fatigue ne me permet pas de suivre un sujet. Je me mets en la présence de Dieu. Je regarde le Cœur de Jésus. Je vois qu’il est heureux ; j’en suis content. Je vois mon néant ; je m’en réjouis. Je dis au Sacré Cœur que je veux l’aimer jusqu’à la mort. Je suis heureux qu’il m’aime. Voilà toute ma méditation[1]. » Combien d’âmes se contenteraient de cette manière de prier ! Et n’est-il pas vrai que saint Ignace, à ces quelques mots admirables, jetés là, inconsciemment pour ainsi dire, reconnaîtrait un de ses disciples ? Ses désirs vont très loin et très haut ; il est d’une sensibilité exquise et d’une conscience très délicate ; de là, des inquiétudes (nous ne disons pas des scrupules) et d’amers reproches ; mais, tout de suite, des élans généreux, des actes, plus particulièrement des chemins de croix, ce qu’il appelle ses retours à Dieu : « Je reviens, ô mon Jésus, je reviens[2] ! »

VI

Il ne faut pas qu’un regard prolongé sur l’homme d’oraison nous fasse oublier les relations du religieux avec sa famille. Ouvrons sa correspondance.

A peine profès, le jeune apôtre prêche le détachement :

Issoudun, le 6 octobre 1878.

… Écoutez, ma très chère mère, les paroles de votre pauvre enfant qui veut vous faire plaisir en vous parlant des choses de l’âme : il sait tout l’attrait que vous avez pour ces saintes conversations. Je voudrais vous parler sur le mépris du monde et sur le paradis qui en sera la récompense.

Lorsqu’on commence à s’attacher au monde, on cesse en quelque sorte d’être chrétien. O très chère mère, pourquoi aimer le monde qui ne donne que des douleurs ? Le monde n’a vraiment rien qui soit digne de votre amour. Il paie en souffrances ceux qui le ser-

  1. 17 juin 1880.
  2. 9 juin 1880.