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BARCELONE


premier cri du frère Verjus. Voici le second : « Bienheureux ceux qui souffrent persécution pour la justice ! » Justement, le matin, à la messe, on avait lu cette étrange béatitude et le Père directeur l’avait commentée en termes émus. « Je suis prêt, dit le Frère ; mais, hélas ! je ne suis point digne de cet honneur. »

Désormais, mûri par les événements, il entend devenir plus grave dans ses pensées, dans ses discours, dans ses manières, dans toute sa conduite. Jusqu’à présent, il lui paraît qu’il n’a point vécu. « C’est là le commencement de ma vie. Oui, toute ma vie se passera ainsi. Mon Dieu, je suis à vous : soutenez-moi et faites de moi tout ce que vous voudrez. »

Le lendemain, jour des morts, deux fois jour de deuil, on se lève à trois heures et demie. Comme à l’ordinaire, le Père directeur fait la méditation aux enfants. Le Frère y assiste. « Notre bon Père, écrit-il, s’y surpassa. Ses dernières recommandations ne sortiront jamais de mon cœur. » Les professeurs sanglotaient et le cœur battait dans la poitrine des enfants.

Après la sainte messe où la communion fut fervente, on chanta une dernière fois l’Ave Maris Stella ; puis on se répandit à travers la maison. On voulait revoir encore et pour ainsi dire emporter dans le regard la cour joyeuse, les salles d’étude, le grand jardin et l’horizon des bois. Enfin on embrasse le Père directeur qui restait provisoirement le gardien du désert. « Les adieux furent navrants. Tout le monde pleurait. »

Au seuil de la maison, les religieuses et les domestiques attendaient. « Les bonnes Sœurs fondaient en larmes ; le silence morne des autres disait assez leur profonde douleur. » — « Ces pauvres gens, nos serviteurs, les voilà sans place, dit le frère Verjus. Que le Cœur de Jésus ait pitié d’eux ! » Tous se jettent à genoux. Le Père économe les bénit. Puis, les enfants prennent la route d’Issoudun.

Cependant, le frère Verjus qui n’avait pu voir en tête à tête le Père directeur, rentre un moment pour lui dire