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Page:Vaudon - Monseigneur Henry Verjus, 1899.djvu/191

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ROME

gémissent, mais se contentent de gémir. Les prêtres se tiennent à l’écart, et c’est un malheur. « L’autre jour, à Albano, écrit le Frère, j’étais heureux d’entendre les salves d’artillerie, les pétards, les feux d’artifice, en l’honneur de saint François d’Assise… Hélas ! après tout ce tapage, j’étais affecté d’une façon poignante lorsque, dans les divers sanctuaires, je voyais deux, trois, quatre fidèles disséminés çà et là. Pauvres prêtres ! Laissez là toutes ces manifestations ruineuses et inutiles, et courez aux âmes, instruisez-les, sauvez-les. » Manifestement, l’ardent jeune homme, sans qu’il s’en rende compte, exagère ; mais s’il force le ton, la note pourtant reste juste. Il faut aller au peuple : le Pape nous le redit en toute circonstance. Il faut « courir aux âmes » ! Combien de fois ces idées reviendront sous sa plume ! « Au fond, — c’est lui qui parle, — le peuple est bon, surtout quand il souffre. Quel puissant moyen alors que la douceur, les bonnes conversations de cœur avec lui !… D’autre part, on l’aveugle. Oui, il y a bien de la malice dans le monde, mais je crois qu’un peu plus d’humilité, de détachement, un peu plus de zèle et d’amour des âmes de la part des prêtres en diminuerait beaucoup. Le peuple ne connaît pas le prêtre… O mon Dieu, envoyez des hommes qui se dévouent avec cœur et intelligence à cet humble apostolat : c’est le moyen de réconcilier les membres divisés de la société[1]. » Et le Frère ajoutait, sans exagération cette fois, ce nous semble : « Je crois aussi qu’une des causes du mal, c’est que tout le monde veut être orateur, et peu songent à être apôtres[2]. » Cette dernière idée lui tenait au cœur. Plus tard, il écrira après l’audition d’un discours d’apparat : « O mon Dieu, inspirez-moi le respect de votre sainte parole, et, plutôt que de permettre que je prêche ainsi, enlevez-moi la voix[3]. »

  1. 12 octobre 1882.
  2. 10 octobre.
  3. 6 mars