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— 1800 - 1807 —

sent des choses, je ne pourrais rien pour vous autres, je n’oserais pas même répondre de mes aides de camp ; mais j’ai des partisans dans le Sénat, et, le Premier Consul mort, je serais nommé immédiatement à sa place. Vous, Pichegru, vous seriez examiné sur le reproche qu’on vous fait d’avoir trahi la cause nationale ; ne vous le dissimulez pas, un jugement vous est nécessaire ; mais je réponds du résultat : dès lors vous seriez second Consul ; nous choisirions le troisième à notre gré, et nous marcherions tous de concert et sans obstacle. » Georges, que Moreau n’avait jamais vu, et dont Pichegru venait de lui faire connaître l’opinion politique, réclama vivement pour lui cette troisième place. « Cela ne se peut, lui dit Moreau, vous paraissez ne pas vous douter de l’esprit de la France ; vous avez toujours été blanc, et vous voyez que Pichegru aura à se laver d’avoir voulu l’être. — Je vous entends, répliqua Georges en colère ; quel jeu est ceci, et pour qui me prenez-vous ? Vous travaillez donc pour vous autres seuls, et nullement pour le roi ? S’il devait en être ainsi, bleu pour bleu, j’aimerais encore mieux celui qui s’y trouve. » Et ils se séparèrent fort mécontents, Moreau priant Pichegru de ne plus lui amener « ce brutal, ce taureau dépourvu de bon sens et de toute connaissance. » Les deux généraux se rencontrèrent seuls, dans une nouvelle entrevue. Moreau répéta que l’unique résultat qu’il fût raisonnable et possible d’espérer dans le cas où Bonaparte viendrait à être renversé ou à disparaître, était sa propre élévation à la première magistrature de la République. Pichegru se montra irrité, et dit, en sortant, à un de ses complices qui l’attendait : « Il paraît que ce b...-là a aussi de l’ambition et qu’il voudrait régner. Eh bien, je lui souhaite beaucoup de succès ; mais, à mon avis, il n’est pas capable de gouverner la France pendant deux mois. »

Le langage de Moreau, mais surtout ses prétentions personnelles, déconcertaient les conjurés royalistes. Les jours