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— 1814 —

La restitution de ces biens, qui devait constituer pour l’État une perte, en capital, de plus de 200 millions, était la conséquence logique du retour des Bourbons. Ces princes ne pouvaient se montrer plus inflexibles pour le petit nombre de serviteurs, leurs constants compagnons d’exil, que ne l’avaient été la République et l’Empire pour les émigrés rentrés avant 1814. La mesure n’avait donc rien que d’équitable en soi. Aussi l’opinion publique l’aurait probablement admise sans murmures, si, par un aveuglement, résultat de l’influence toute-puissante de son entourage de gentilshommes et d’émigrés, Louis XVIII n’avait confié la présentation du projet de loi à M. Ferrand, esprit faux, espèce de sophiste fanatique, qui, dans l’emportement de son royalisme, livra résolûment à la France les secrètes pensées des théoriciens politiques de la nouvelle cour. Ce fut le 13 septembre que ce projet de restitution, annoncé à grand bruit depuis plusieurs jours, fut porté à la Chambre des députés. La curiosité publique avait été fortement excitée ; la salle se trouva comble. M. Ferrand, avant de communiquer à la Chambre le texte du projet de loi, lut un exposé des motifs devenu fameux, et dont nous citerons les passages suivants :

« Dans ces premiers moments ou un jour plus propice apparaît après tant d’orages, où la possibilité de faire le bien se laisse enfin entrevoir, il faut encore s’astreindre à ne le faire qu’avec une extrême prudence, il faut être réservé alors qu’on voudrait s’abandonner à une extrême prodigalité.

C’est une suite des inconvénients trop souvent attachés aux lois qui remplacent les lois révolutionnaires ; elles ne peuvent avoir l’unique et pure empreinte d’une équité rigide et absolue.

Le souverain qui se résigne à de si grands sacrifices peut seul savoir ce qu’ils lui coûtent.

Déjà, par son ordonnance du 21 août, il a assuré l’état civil de la portion de ses sujets désignés sous le nom d’émigrés, dénomination aussi fausse dans le sens qu’on avait voulu lui donner que désastreuse par les conséquences qu’on en a tirées. Il est aujourd’hui bien reconnu qu’en s’éloignant de leur patrie tant de bons et fidèles Français n’avaient jamais eu l’intention de s’en séparer ; que, passagèrement jetés sur des