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— 1814 —

rives étrangères, ils pleuraient sur les calamités de la patrie, qu’ils se flattaient toujours de revoir. À force de malheurs et d’agitations, tous se retrouvaient donc au même point, tous y étaient arrivés, les uns en suivant la ligne droite sans jamais en dévier, les autres après avoir parcouru plus ou moins les phases révolutionnaires au milieu desquelles ils se sont trouvés. La bienfaisante ordonnance du roi (du 21 août), en n’admettant aucune différence entre eux, n’a été que la déclaration légale d’un fait déjà existant. La loi que nous vous apportons aujourd’hui dérive de cette ordonnance ; elle reconnaît un droit de propriété qui existait toujours ; elle en légalise la réintégration.

Vous vous hâterez, messieurs, de seconder les vœux du roi : sans doute il doit jouir du bonheur de ceux à qui il va rendre leurs propriétés ; mais croyez qu’il a besoin de cette jouissance pour adoucir les regrets qu’il éprouve de ne pouvoir donner à cet acte de justice toute l’extension qui est au fond de son cœur. Il est permis de croire qu’un jour viendra où l’état heureux des finances diminuera successivement les pénibles exceptions commandées par les circonstances actuelles. Vous trouverez toujours le roi prêt à saisir toutes les occasions, tous les moyens de restaurer la France entière ; et vous ferez en sorte que le nom de Désiré ramène l’espoir dans le cœur de tous ceux dont le bonheur doit encore être ajourné. »

Ce discours, qui renfermait une menace dans chaque mot, fut un véritable événement.

On se tromperait, si l’on croyait qu’en 1814 la question des biens nationaux n’intéressait encore qu’une classe assez restreinte de propriétaires. Non-seulement chaque parcelle de ces biens, à l’avénement des Bourbons, avait déjà passé dans les mains de plusieurs vendeurs, tous responsables des prix successivement reçus par eux, mais toutes étaient, en outre, le gage ou la garantie de dons, de droits héréditaires ou de créances qui portaient à plus de deux millions le nombre de citoyens, propriétaires, simples cultivateurs, commerçants ou capitalistes, que vinrent alarmer les paroles de M. Ferrand. Le nouveau gouvernement comptait déjà pour adversaires l’armée, que sa défaite humiliait, et qu’irritaient les faveurs et les grades jetés à la tête d’une foule de jeunes gens sans services ou de vieillards incapables ; le petit commerce, les classes laborieuses, que froissaient les ordonnances de police