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— 1815 —

ques fragments d’os, qu’un procès-verbal, signé par le propriétaire du terrain vendu sous la République comme bien national, et par quelques personnages, alors émigrés, déclara débris authentiques des deux personnes souveraines. La publicité la plus grande fut donnée à ces recherches et à leurs résultats, et des ordres furent transmis aux autorités de tous les rangs et de toutes les catégories, pour que, le 21 janvier, la France entière s’associât à la douleur bruyante de la cour et au deuil menteur du monde officiel[1].

Dans le même moment où l’on disposait les caveaux de Saint-Denis pour recevoir les restes douteux des derniers souverains ; lorsque de nombreux ouvriers préparaient cette ancienne basilique pour la cérémonie, et que, dans toute la France, les églises se tendaient de noir, d’autres funérailles plus humbles jetaient l’émotion et la colère au sein de la population de Paris.

Une actrice célèbre, mademoiselle Raucourt, était décédée le 15 janvier. Le surlendemain, ses camarades de théâtre s’acheminèrent avec son cercueil vers l’église de Saint-Roch. Vivante, mademoiselle Raucourt était dans les bonnes grâces du

  1. L’ordre du jour suivant, publié le 15 janvier par le général Heudelet, commandant la 18° division militaire (Dijon), peut faire juger de la teneur des instructions adressées sur tous les points du royaume :
    « Messieurs les évêques ont du prendre des mesures pour faire offrir à Dieu, le 21, des prières solennelles qui attestent combien tous les vrais Français ont conçu d’horreur pour le crime qui, à pareil jour, a couvert de deuil la France entière.
    L’armée, dans tous les temps, en a témoigné son indignation, et c’est avec empressement qu’elle se réunira à cet acte de piété nationale. »
    Le général Cassagne, commandant à Toulouse, disait à son tour, le 14, aux soldats de sa division :
    « Un service expiatoire aura lieu le 21.
    Cette cérémonie fournira aux troupes de la division un sujet de payer à la mémoire du plus infortuné des monarques leur tribut de regrets. Toutefois, dans ce jour de douleur, l’armée, fidèle à ses principes, éprouvera la douce consolation d’avoir été totalement étrangère au cruel attentat qui a immolé l’auguste victime. »
    La consolation était facile aux soldats du général Cassagne : la plupart étaient encore à naître au mois de janvier 1793.