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— 1815 —

mit rien au delà. Quelques plaisanteries fort innocentes du Nain jaune sur l’ordre de l’Éteignoir, voilà les libertés les plus hardies que les censeurs toléraient chez les écrivains adversaires de l’ancien régime ; sur le reste, pas un mot. Ce silence était, pour la cour et pour les ministres, la preuve d’une tranquillité profonde. Dupe de ce calme menteur, le gouvernement n’avait donc garde d’arrêter la prédication contre-révolutionnaire de ses écrivains ; les censeurs, pour les exagérations de cette nature, n’avaient point de ciseaux ; les exhumations et les cérémonies du 21 janvier, entre autres, fournirent aux journaux royalistes l’occasion d’une recrudescence de violences et d’injures contre la Révolution, les hommes qui y avaient figuré, et les institutions dont elle avait doté le pays. Quand ils faisaient trêve à cette polémique passionnée, ces journaux remplissaient leurs colonnes de nouvelles ou de ridicules détails de cour, ou bien ils empruntaient à l’ancien almanach impérial, redevenu almanach royal, la composition des maisons des différents membres de la famille de Bourbon, maisons d’où tous les noms nouveaux se trouvaient rigoureusement exclus. Plusieurs fois la semaine, en outre, ils affectaient de signaler à l’attention publique les restitutions qu’un certain nombre d’acquéreurs de biens nationaux, cédant à la peur d’une dépossession légale, faisaient aux anciens propriétaires. Ils applaudissaient à ces sacrifices, et les donnaient en exemple, sans songer que chacune de ces annonces jetait le trouble et la colère parmi des milliers de citoyens qui voyaient en elles l’indice d’une spoliation prochaine. Dans leur aveuglement, ils ne se bornaient pas à rapporter des faits exacts, ils en inventaient. Un matin, le maréchal Berthier lut dans le Journal des Débats que, Louis XVIII étant venu le visiter à sa terre de Grosbois, ancienne propriété particulière de ce souverain, le maréchal avait présenté au roi un rouleau de papiers contenant tous les titres de ce magnifique domaine, en le priant de les accepter ; que le roi avait pris le rouleau, puis, après l’avoir gardé pendant une