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— 1815 —

« Le roi avait cru se montrer généreux envers la noblesse nouvelle en la reconnaissant par la Charte, et n’être que juste en rétablissant dans ses titres la noblesse ancienne, dont une partie avait payé assez chèrement son dévouement à sa cause. Mais ce qui constitue et fonde la noblesse, c’est moins la distinction nominale dont elle se décore, et même la longue possession des titres, que les prérogatives dont elle jouit, le pouvoir dont elle use, l’influence qu’elle exerce. Les nobles de l’Empire se plaignaient de devenir, à la suite des anciens nobles, de simples anoblis ; ils s’étaient crus les aînés de la gloire, parce qu’ils avaient concouru à celle de la France et de l’homme prodigieux dont les entreprises auraient rempli plusieurs siècles, et s’étaient regardés comme trop haut montés pour qu’on pût les abattre. La Restauration les désabusait ; et, si leur susceptibilité se montrait facile à l’émoi, elle en avait bien quelques motifs : l’ancienne noblesse se rétablissait tout naturellement, sinon dans ses droits et dans ses privilèges, du moins dans sa prééminence. Les noms illustres de la Monarchie avaient toujours obtenu les égards des illustrations de l’Empire ; mais maintenant ces égards étaient exigés : l’hommage avait commencé par être libre, il finissait par être un devoir.

Les titres donnés par Napoléon avaient généralement un grand prix aux yeux de leurs possesseurs, qui ne les devaient pour la plupart qu’à quelque action d’éclat ou à d’utiles services publics ; ils disaient qu’ils avaient été trop bien acquis pour être jamais contestés ou avilis ; et, quoiqu’on ne les leur disputât pas, ils comprenaient bien qu’ils ne leur étaient pas sérieusement accordés par ceux auxquels ces titres semblaient les assimiler. Puissants et parfois protecteurs sous Napoléon, ils ne se sentaient plus que tolérés lorsqu’ils voulaient prendre rang parmi les nobles d’autrefois. Une autre circonstance venait encore accroître leur irritation, effet inévitable d’une situation déchue. Ils voyaient pulluler de tous côtés une foule de nobles encore plus récents qu’eux, se créant à eux-mêmes des services et des titres : et, de la complaisance avec laquelle