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— 1815 —

prince jusqu’à son appétit. La Restauration avait rétabli les grands couverts ; le cérémonial de ce repas permet à plusieurs milliers de spectateurs de défiler lentement devant la table royale pendant le dîner des princes. On racontait du roi, à cette occasion, des faits incroyables de voracité, faits exagérés et qui, grandissant encore en passant d’un narrateur à l’autre, venaient singulièrement en aide à la moquerie publique.

Si le comte d’Artois, malgré son continuel sourire et un dandinement prononcé, ne donnait physiquement aucune prise à la raillerie, en revanche, la stérilité de son esprit, la légèreté de son caractère, son amour de l’étiquette, son aversion bien connue pour les choses et les hommes du nouveau régime, les souvenirs assez tristes de sa première jeunesse et de son émigration, ouvraient un large champ à l’animosité des ennemis de sa famille. Signataire de la désastreuse convention du 23 avril, il portait, en outre, la responsabilité de l’œuvre fatale de M. de Talleyrand, et l’on accusait sa loyauté, non son ignorance et son étourderie, en rappelant que les droits réunis, dont il avait formellement promis l’abolition, étaient pourtant maintenus sous le nom d’impôts indirects.

Le duc d’Angoulême, cœur honnête et droit, mais intelligence infirme, organisation morale incomplète, avait des tics, des manies, qui fournissaient une matière inépuisable aux plus étranges récits.

La duchesse d’Angoulême montrait dans son attitude et dans ses formes une virilité qui manquait à son mari. Son caractère était mâle et ferme ; son courage, soumis aux plus rudes épreuves, n’était resté au-dessous d’aucune situation. Parente dévouée, amie sûre et fidèle, douée de toutes les vertus

    des hommes, de présenter au public et aux troupes un extérieur informe et podagre, de recevoir la parade dans son fauteuil, et de ne faire que remuer les bras au-dessus de son balcon, en disant : Je suis content, très content... D’autres fois, il voulait copier Henri IV : Ventre-saint-gris ! disait-il dans ses premiers conseils, si j’avais de l’argent pour ma marine !...Et à une revue de l’une des légions de la garde nationale : Je dis comme César : j’aime ma 10e légion. »