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— 1815 —

La fête du 11 mars fut une des plus brillantes ; elle avait lieu dans l’hôtel du prince de Metternich. Si dans quelques parties retirées des salons on discourait de la nouvelle qui venait de hâter la décision du congrès sur la Saxe, c’était légèrement et sans préoccupation sérieuse[1]. Il s’agissait de l’évasion d’un glorieux captif. Quelle direction avait-il prise ? Se rendait-il à Naples ou aux États-Unis ? Ces conjectures étaient les seules auxquelles on se livrât ; il ne venait à la pensée d’aucun des assistants qu’il eût pu se diriger vers un autre point. Je viens de m’en convaincre ; le trône des Bourbons est solidement assis, disait, à la vérité, au milieu d’un certain nombre de diplomates groupés dans un des angles de la salle du bal, le général Pozzo di Borgo, arrivé l’avant-veille de Paris. En ce moment on valsait. Tout à coup les valseurs s’arrêtent ; vainement l’orchestre continue la mélodie commencée, personne ne l’entend plus ; on se regarde, on s’interroge ; sur toute l’assemblée plane un sentiment de stupeur et d’effroi. Enfin ces mots sortent bientôt de toutes les bouches : Il est en France !

« Je vous avais bien annoncé que cela ne durerait pas, dit l’empereur Alexandre en s’approchant de M. de Talleyrand.

— Vous voyez, Sire, répliqua l’empereur d’Autriche, ce que c’est que d’avoir protégé vos jacobins de Paris.

— C’est vrai, répondit le Tzar ; mais, pour réparer mes torts, je mets ma personne et mes armées au service de Votre Majesté. »

  1. Cette nouvelle avait été apportée cinq jours auparavant, le 6, par un courrier que lord Burgersh avait expédié de Florence à lord Stewart, un des plénipotentiaires anglais à Vienne.