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— 1815 —

Les membres de cette conspiration militaire n’étaient pourtant pas restés unanimes : il s’était détaché de leurs rangs, dans le mois de février, un groupe très-peu nombreux et composé de quelques généraux en activité de service, qui, sans se séparer ostensiblement de leurs compagnons, comptaient se servir des moyens d’exécution adoptés par ceux-ci, mais dans un autre but politique. Ces généraux étaient le comte Drouet-d’Erlon, commandant la division militaire de Lille ; le comte Lefebvre-Desnouettes, commandant l’ancien régiment des chasseurs à cheval de la garde impériale, en ce moment chasseurs royaux ; et les deux frères Lallemand, l’un général d’artillerie, et l’autre commandant du département de l’Aisne. Soit que l’ignorance absolue où l’on se trouvait à Paris des dispositions de Napoléon les eût découragés, soit qu’ils fussent effrayés des tempêtes que le retour de l’Empereur pouvait soulever en France et en Europe, ils avaient écouté les propositions de quelques hommes politiques, dont l’impatience s’accommodait mal de l’incertitude et des lenteurs d’une lutte civile et légale. Ils consentaient à marcher sur Paris, avec les troupes sous leurs ordres ; mais, au lieu de chasser les Bourbons, ils devaient sommer Louis XVIII de souscrire aux conditions qu’ils lui auraient dictées ; puis, en cas de refus, ils devaient conduire ce souverain hors la frontière, et forcer le duc d’Orléans de régner à sa place[1]. L’armée, ainsi que les classes laborieuses dans les campagnes et dans les villes, ne faisait aucune distinction entre les différents membres de la famille royale, qui, tous, comme Bourbons, étaient également odieux au peuple et aux soldats, puisque tous ils étaient arrivés à la suite de l’invasion. Obligés de tenir compte de cette disposition de la troupe et des masses, le comte d’Erlon et les généraux associés à son entreprise devaient opérer le

    en projets sérieux, les conjurés de cette catégorie avaient un lieu particulier de réunion ; ils s’assemblaient aux Champs-Élysées, allée des Veuves, chez le général Berton, dont la maison portait alors le n° 6.

  1. Mémoires de M. de la Fayette, t. V.