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— 1815 —

avaient appelé au trône impérial, et qui, durant dix années, avait rendu la couronne française la première couronne du monde ; de repousser l’ancien souverain dont les princes les plus puissants avaient longtemps brigué la faveur ou l’appui, et que l’Europe avait vu, prodigue de sceptres et de couronnes, élever au rang des rois les électeurs de Saxe et de Bavière, et le duc de Wurtemberg. Un officier de police ordonnant une battue contre un chef de bandits échappé de sa prison n’aurait pas employé un autre langage. L’étonnement redouble quand on songe que cette ordonnance fut délibérée dans un conseil composé en grande partie de gens dont Napoléon avait fait la fortune, et où siégeait un soldat qui lui devait sa dignité de maréchal de France et son titre de duc de Dalmatie.

Ces deux documents étaient suivis de la ligne suivante :

Monsieur est parti ce matin pour se rendre à Lyon.

L’Empereur est débarqué ! Ce cri, passant de bouche en bouche, porta la nouvelle, avec la rapidité de l’étincelle électrique, dans tous les quartiers de la capitale. L’événement étourdit les royalistes, et déconcerta, dans les classes élevées et dans la bourgeoisie, ce nombre considérable de mécontents qui poursuivaient l’espérance d’une monarchie constitutionnelle avec le duc d’Orléans pour roi. Les masses, en revanche, l’accueillirent avec transport : il excita dans la population active, dans les classes laborieuses, parmi les jeunes gens, les militaires en demi-solde, ou retraités, surtout, un enthousiasme d’autant plus vif, que la nouvelle était moins attendue. La stupeur, chez les royalistes, fit bientôt place à la colère ; le réveil était si brusque ! « Entraîné par sa noire destinée, disait le journal de la cour, Bonaparte s’est évadé de l’île d’Elbe, où l’imprudente magnanimité des souverains alliés lui avait donné une souveraineté pour prix de la désolation qu’il avait si souvent portée dans leurs États. Cet homme qui, en abdiquant le pouvoir, n’a jamais abdiqué son ambition et ses fureurs ; cet homme, tout couvert du sang des générations,