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— 1815 —

vient, au bout d’un an écoulé en apparence dans l’apathie, essayer de disputer, au nom de l’usurpation et des massacres, la légitime et douce autorité du roi de France. Quelques pratiques ténébreuses, quelques mouvements dans l’Italie excités par son aveugle beau-frère, ont enflé l’orgueil du lâche guerrier de Fontainebleau. Il s’expose à mourir de la mort des héros : Dieu permettra peut-être qu’il meure de la mort des traîtres. La terre de France le rejette ; il y revient, la terre de France le dévorera. »

Les quelques mots de l’écrivain sur les pratiques ténébreuses et les mouvements de Murat font allusion à des événements mal présentés jusqu’à ce jour, et auxquels le hasard seul a donné quelque rapport avec le départ de Napoléon de l’île d’Elbe. Nous devons les expliquer.

Devenu l’ennemi de la France impériale, d’allié qu’il était, Murat, en traitant avec l’Autriche le 11 janvier 1814, avait porté un coup fatal à Napoléon. Sa défection ne priva pas seulement l’Empereur des secours que pouvaient lui offrir le roi de Naples et son armée, elle paralysa entre les mains du prince Eugène des troupes nombreuses et aguerries, qui, au lieu d’opérer sur les flancs ou sur les derrières de la coalition, eurent alors à défendre contre les Napolitains, aidés par l’armée autrichienne du général Bellegarde, nos possessions italiennes et notre frontière des Alpes[1]. La garantie de sa couronne était le prix promis à ce service indigne. Cette garantie, toutefois, n’engageait que l’Autriche ; on a dit que l’Angleterre l’avait confirmée. Il n’en est rien. Lord William Bentink, gouverneur de la Sicile, qu’il occupait comme une position favorable à la lutte de l’Angleterre contre la France beaucoup plus que dans l’intérêt des Bourbons de Naples, conclut, à la vérité, avec Murat, une convention qui stipulait toute cessation d’hostilités entre sa cour et Joachim ; mais cet acte était

  1. « Le poids que Murat mit à cette occasion dans la balance fut de 120,000 hommes ; or, avec 120,000 hommes de moins, les Alliés n’eussent pu entreprendre l’invasion de la France avant le printemps. » (Mémoires de Napoléon.)