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— 1815 —

trahison s’y appelait fidélité[1]. La Restauration, au reste, venait de prendre le parti d’agir ouvertement. Les 15 et 19 décembre, nous l’avons dit, M. de Talleyrand avait officiellement demandé au congrès le rétablissement des Bourbons de Sicile, et sa requête avait été enregistrée sans le moindre scrupule. L’annonce de cette nouvelle attaque du cabinet des Tuileries vint à Murat au moment où il recevait les propositions des mécontents italiens.

La domination autrichienne était lourde et coûteuse aux peuples de la Lombardie. Accueillis d’abord comme des libérateurs, les Allemands et les Hongrois de François II n’avaient pas tardé à ressentir les effets de la mobilité italienne. Les Lombards étaient passés d’un extrême à l’autre : aux mois de mars et d’avril 1814, ils avaient salué de cris enthousiastes la venue des Alliés et hâté la retraite de nos troupes par la révolte, le massacre et l’incendie. Au commencement de 1815, ils appelaient de tous leurs vœux le moment où ils pourraient chasser leurs nouveaux maîtres. Gênes surtout était irritée ; elle avait ouvert son port à une flotte anglaise, à la condition de recouvrer son indépendance ; et, peu de mois après, l’Angleterre, par un indigne manque de foi, avait livré cette ancienne république au roi de Sardaigne, son ennemi le plus détesté. Les regards de toutes ces populations se tournaient involontairement vers l’île d’Elbe ; des propositions furent faites au vaincu que l’Europe y avait exilé. Napoléon se contenta de répondre qu’il ne pouvait rien pour les Italiens ; qu’il leur conseillait, sinon la soumission, du moins la patience, et que, pour s’armer et se montrer, ils devaient attendre que la France fût disposée à les soutenir et leur donnât le signal.

Les délais vont mal aux colères méridionales ; on savait Murat inquiet et blessé : il reçut l’offre de se mettre à la tête d’un mouvement qui, affranchissant la haute et la moyenne

  1. Journal des Débats du 30 décembre 1814.