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— 1815 —

Italie du joug de l’Autriche et des petits princes arrivés à sa suite, réunirait la péninsule en un seul empire placé sous le sceptre du roi de Naples, et dont Rome deviendrait la capitale. Soldat intrépide, mais roi de hasard, n’ayant du souverain que le titre et le costume, Murat se crut assez fort et assez habile pour réaliser ce plan et y trouver le moyen de raffermir sa couronne. Murat se trompait : il avait perdu toute sa force en abandonnant le bras qui l’avait élevé. Il n’en promit pas moins aux patriotes italiens une coopération active. Cette assistance n’était possible qu’en transportant dans le Milanais, foyer du mécontentement, des troupes assez nombreuses pour provoquer et soutenir l’insurrection. Résolu d’agir, Joachim envahit les États romains, et, abritant ses projets derrière la nécessité de se mettre en mesure contre les menaces de la France, il fit demander à l’Autriche le passage, à travers ses possessions italiennes, pour deux corps d’armée destinés à attaquer la France et à le venger du cabinet des Tuileries.

La nouvelle de l’invasion de la Romagne par les troupes de Murat parvint à Vienne vers le milieu de février. Le 19, M. de Talleyrand la transmit à son gouvernement, en conseillant à Louis XVIII de réunir une armée de 30,000 hommes entre Lyon et Chambéri. « La réunion de cette armée, disait-il dans sa première dépêche, devait se faire avec le moins d’éclat possible, afin de ne pas donner d’ombrage à l’Autriche et au Piémont[1]. » Quatre jours après, le 23 février, une seconde dépêche du prince de Bénévent pressait la formation de ce corps d’armée, disant que Murat était irrité, que l’Italie fermentait, et qu’il était nécessaire d’observer la frontière des Alpes et de se tenir prêt à tout événement ; puis il ajoutait : « De nouveaux aperçus et des changements survenus dans les relations politiques me font désirer qu’on use de moins de circonspection. Il serait bon, au contraire, que ce mouvement fût remarqué au dehors, afin de prévenir l’effet de l’opinion

  1. Mémoire justificatif du maréchal Soult, 1815.