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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 2.djvu/200

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— 1815 —

lie et sur la fermentation qui régnait dans les provinces du Nord. Les légations de France et d’Angleterre attribuaient l’agitation de cette partie de la péninsule au voisinage de l’île d’Elbe[1] ; les plénipotentiaires de ces deux cours s’étonnaient sans cesse de l’imprudence commise par les souverains en plaçant Napoléon aussi près du premier théâtre de sa gloire et de populations qu’il avait longtemps gouvernées. La faute, au surplus, ne leur semblait pas irréparable. Les Alliés avaient donné l’île d’Elbe à l’Empereur ; ils pouvaient la lui retirer, disaient-ils, et le confiner assez loin ou sur un point assez sûr pour qu’il lui fût désormais impossible de conspirer contre la tranquillité de l’Europe. Le repos de l’Italie et de la France était à ce prix. On les entendait même discuter les lieux de déportation les plus convenables ; les noms de l’île de Malte et de l’île Sainte-Hélène étaient le plus souvent prononcés[2].

Ces conversations se tenaient à haute voix. Les plénipotentiaires de Joachim les redirent à leur cour[3]. Napoléon se mit

  1. L’île d’Elbe, placée à vingt lieues à l’est de l’île de Corse, n’est séparée du continent italien que par le canal de Piombino, large à peine de deux lieues.
  2. On raconte que ce fut lord Wellington qui, assis devant la grande table ronde du congrès et jetant négligemment les yeux sur une carte d’Europe très-détaillée qu’on y laissait constamment étendue, fit remarquer, le premier, la courte distance où se trouvait Napoléon du continent italien. Dans ce moment-là même des scènes sanglantes venaient de se passer à Milan ; le commandant autrichien de la Lombardie avait fait fusiller plusieurs jeunes gens coupables d’avoir poussé, dans le théâtre de la Scala, au milieu du spectacle, le cri de vive l’Empereur ! Lord Wellington signala cet incident comme une preuve des rapports qui devaient exister entre l’île d’Elbe, la cour de Naples et les mécontents italiens. M. de Talleyrand et le prince de Hardenberg partagèrent son opinion. De là les causeries des principaux membres du congrès sur la nécessité d’éloigner Napoléon.
  3. On lit, à ce sujet, dans les Mémoires du duc de Rovigo : « Le congrès avait attiré à Vienne un grand nombre d’étrangers ; parmi eux se trouvaient plusieurs officiers qui avaient servi sous nos drapeaux. L’un d’eux, qui avait été attaché à l’Empereur, apprit par une personne de distinction tout ce que le plénipotentiaire de France tramait contre ce prince. Il se mit en recherche avec tous les moyens dont il pouvait disposer, et il sut bientôt ce qu’il avait pris à tâche d’approfondir. Cet officier, qui était un des grands admirateurs de l’Empereur, partit aussitôt de Vienne et alla, par l’Italie, trouver ce